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Ubérisation du Document Unique (et de la santé au travail)?

Ubérisation du Document Unique (et de la santé au travail)?

 

Suite à une intervention (décapante) en public d’Oussama AMMAR sur l’ubérisation de l’économie, j’ai eu un très court échange avec lui. Il m’a annoncé qu’évidemment la santé au travail allait être, elle aussi, bouleversée par le numérique « d’ailleurs, the Family travaille actuellement avec une startup qui développe un outil de Document Unique numérique… mais pour l’instant ça ne marche pas ».

Effectivement, la santé au travail, comme tout processus issu de la révolution industrielle doit s’interroger sur son « Ubérisation ».

Au-delà de cette dernière remarque qui devient finalement hyper-convenue aujourd’hui : La prévention peut-elle être ubérisée ?

 

 

Pour reprendre la définition de Wikipédia (vive le numérique !) le fonctionnement d'un service ubérisé comprend généralement des éléments communs :

  • plateforme numérique de mise en relation entre client et prestataire ;

  • réactivité maximisée par la mise en relation immédiate du client et du prestataire, par proximité géographique ;

  • paiement du client à la plateforme qui prélève une commission ;

  • paiement du prestataire par la plateforme ;

  • évaluation croisée du service : le client évalue le service reçu et le prestataire évalue le client.

Donc oui ! La santé au travail sera ubérisée. Théoriquement, la prévention le sera tout autant et le Document Unique aussi !

Le Document Unique est un outil de la prévention de la santé dans l’entreprise qui reprend l’ensemble des risques auxquels sont exposés les salariés et liste les actions de prévention réalisées et prévues. Les risques peuvent être partagés en 17 catégories, leurs caractéristiques peuvent être détaillées suivant les métiers, les secteurs d’activités et la taille de l’entreprise. Les préconisations d’actions de prévention peuvent, elles aussi, être proposées par métiers, secteurs d’activité, taille d’entreprise. Bref, mathématiquement, toutes les combinaisons peuvent être présentées, et on peut imaginer qu’une Intelligence Artificielle soit en mesure de proposer automatiquement un Document Unique adapté à chaque entreprise : Un Document Unique automatique et ubérisé. Et pourtant : « pour l’instant ça ne marche pas ».

 

Le numérique ne résout pas la cause du problème

Tout d’abord, s’il est vrai que statistiquement le nombre de combinaisons est fini et qu’un outil mathématique simple (n’importe quel tableur) permettrait de construire une trame de Document Unique et de proposer des actions de prévention ; pour autant, l’automatisation n’est pas si simple. On s’aperçoit que la difficulté provient de la particularité de chaque entreprise, de ses métiers, de ses fonctions, de ses situations de travail… qui varient car ils dépendent de la personnalité propre de l’entreprise, de son organisation, de ses parties prenantes… bref, même avec l’aide d’une Intelligence Artificielle, il est impératif d’intégrer l’activité réelle : «  Interroger la situation de travail réelle de l’entreprise». Un échange avec le chef d’entreprise et les salariés est obligatoire. Malgré les meilleurs outils informatiques du monde, tant que cet échange n’a pas lieu le résultat ne pourra pas être fiable.

 

De plus, l’ubérisation ne change pas les 3 problématiques principales :

 

1- Les individus dans l’entreprise sont peu sensibilisés à l’intérêt de la prévention.

 

2- Le système de santé en France est organisé historiquement pour répondre à une logique de réparation (la sécurité sociale rembourse les frais liés aux pathologies, pas les frais liés à la prévention). Et les services de santé au travail sont organisés autour des médecins qui sont formés pour soigner et pas pour prévenir les risques (même s’ils reconnaissent l’intérêt de la prévention…). D’ailleurs, à cause du point 1, la plupart des salariés n’imaginent pas que les visites de contrôle permettent de prévenir les risques et ne reconnaissent l’intérêt du médecin qu’en cas d’accident ou de maladie.

 

3- La prévention apporte des bénéfices sociaux et économiques qui sont reconnus, mesurables, chiffrables. Mais ces bénéfices sont potentiels et lointains, ils sont bien souvent occultés par la recherche des bénéfices immédiats (ou par l’idée de limiter une perte).

 

Enfin, problématique supplémentaire concernant la prévention et sa numérisation : « Nous sommes des êtres sociaux ».

Pour reprendre les propos de Stanislas Dehaene, spécialiste de sciences cognitives, qui dirige le laboratoire de Neuro-imagerie cognitive (NeuroSpin, au sein du Commissariat à l’énergie atomique) : « Tout ce matériel informatique peut être extrêmement précieux de manière ponctuelle, bien pensé et bien dosé. Nous sommes d’abord des êtres sociaux et des êtres de sens. Nous avons besoin de cet étayage humain, de ce retour bienveillant pour apprendre ».

Pour réduire ou supprimer les facteurs de risque, l’entreprise doit s’approprier le sujet de la prévention de la santé de ses salariés. Cette appropriation passe par la sensibilisation des dirigeants et des salariés. Ensuite, et seulement ensuite, l’entreprise pourra formaliser des processus et consolider des plans d’action. L’usage des outils numériques ou l’ubériseration de sa santé au travail ne sera qu’une étape parallèle et complémentaire : la démarche primordiale est la sensibilisation des acteurs. Cette action devra être menée par, et pour, des personnes physiques qui interviennent sur des situations de travail réelles. En tant qu’être social et de sens, l’ubérisation n’apporte pas l’étayage humain et le retour bienveillant dont les acteurs auront besoin pour se former. L’apport de connaissance extérieur doit être porté par un intervenant physique, pas une Intelligence Artificielle.

 

La solution viendra par le partage des connaissances

Pour conclure, les problématiques de santé des travailleurs, de prévention des risques, de performances sociales et économiques de l’entreprise seront traitées par la sensibilisation des parties prenantes (chef d’entreprise, salariés, services de santé…), par le partage des connaissances et l’animation des retours d’expérience.

Finalement, c’est la formation des parties prenantes et la prise en compte des situations de travail réelles qui permettront d’améliorer la santé des salariés.

La numérisation ou l’ubérisation de l’entreprise passera par des nouveaux outils, des nouveaux usages ou des nouvelles méthodes qui seront des éléments facilitateurs pour partager les connaissances et améliorer les conditions de travail. Une Intelligence Artificielle ne pourra pas remplacer la relation humaine ! Pour l’instant en tout cas…

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